Descriptif du contexte scientifique et du sujet :

Les systèmes orogéniques collisionels suturent le lieu de confrontation entre des continents lors de la fermeture d’un océan. Les zones de sutures renferment donc des données cruciales pour révéler le déroulé de la tectonique des plaques dans le temps et dans l’espace. La dérive des continents et les premières reconstitutions paléogéographiques ont notamment démontré dès le début du XXème siècle l’existence passée d’un supercontinent à la fin du Paléozoïque, la Pangée. Les témoins de la collision des continents Laurussia et Gondwana ayant permis sa formation il y a près de 300 millions d’années se trouvent notamment dans la chaîne varisque européenne et africaine, mais aussi dans la chaîne alléghanienne (Appalaches en Amérique du Nord).

Ce modèle d’évolution paléogéographique est cependant très débattu, en particulier l’existence et la localisation de la suture de l’océan Paléotéthys, qui se trouvait entre le Nord de Gondwana, et le sud de chaîne varisque européenne. C’est sa fermeture progressive qui marque la formation de la Pangée. Les traces de l’océan Paléotéthys sont bien préservées dans les domaines varisques orientaux (p.ex. reliques dans les systèmes alpins, en Grèce, Crête, Anatolie, Caucase etc). En revanche, ces traces se perdent dans le domaine occidental, et le lien entre la chaîne varisque européenne et la chaîne varisque africaine est ainsi fortement cryptique.

Notre hypothèse de recherche est que la partie la plus occidentale de la suture de l’océan Paléotéthys est préservée au sein de la marge nord-gondwanienne sous la forme d’une suture intracontinentale, marquant la fermeture de la terminaison occidentale du propagateur de l’océan entre Gondwana et la chaîne varisque européenne. Cette hypothèse de travail est basée sur le fait que ce domaine comporte des granulites de haute-pression & haute-température (complexes métamorphiques varisques des zones internes des Maghrébides et des Cordillères Bétiques) reflétant certainement la fermeture d’un domaine continental chaud hyper étendu.

Afin de caractériser la zone centrale de cette suture atypique, ce projet de recherche doctoral se focalisera sur les évènements varisques des zones internes des Maghrébides et des Cordillères Bétiques, en particulier dans les unités pas ou peu affectées par les déformations jurassiques et alpines. Une attention particulière sera donnée à l’étude pétro-structurale des kinzigites qui pourraient révéler une histoire complexe, en particulier en termes d’évolution Pression-Température-Déformation pré, syn à post orogénique. Les données géochronologiques robustes permettront de préciser le tempo des événements tectono-métamorphiques et magmatiques, qui pourra se révéler différent de celui observé dans les zones de sutures classiques. De plus, l’analyse des coeurs hérités des zircons apportera les données nécessaires à la compréhension de la paléogéographie (p.ex. source des (méta)sédiments détritiques, affinités etc). Les résultats seront comparés aux données de la chaîne varisque européenne et de la Meseta marocaine et oranaise afin de produire un travail synthétique sur les événements paléozoïques nord-gondwaniens. Cette synthèse sera ensuite comparée aux modalités/tempo de la fermeture de la Paléotéthys dans ses parties plus orientales.

Partie 1 : Travail de terrain et échantillonnage dans les secteurs Rif-Tell et Cordillères Bétiques

Les relations pétro-structurales des différentes unités métamorphiques seront étudiées par la réalisation de coupes à l’échelle des massifs. Les relations entre anatexie dans le faciès granulite à HP, magmatisme et développement structural seront particulièrement étudiées. Un échantillonnage ciblé sera effectué en vue des études analytiques (pétrologie, géochronologie).

Partie 2 : Pétrologie métamorphique : Evolution Pression-Température-Déformation

Les travaux préliminaires se feront sur la base des échantillons existants, puis porteront sur le nouvel échantillonnage. Les études pétrologiques consisteront en une imagerie et une caractérisation chimique des phases majeures et des minéraux accessoires (μXRF de la plateforme ITES/PEMCI, MEB). Les résultats permettront d’effectuer des modélisations pétrologiques du métamorphisme de moyen à haut degré (thermobarométrie, pseudosections). Une attention particulière sera donnée aux indices de métamorphisme précoce pouvant être préservés dans le coeur de certains minéraux (chimie, inclusions).

Partie 3 : Géochronologie/Pétrochronologie : établissement du tempo orogénique

Les datations U-Pb par la méthode LA-ICP-MS sur zircons et monazites permettront de contraindre les épisodes métamorphiques et magmatiques, mais aussi de révéler des informations sur les protolithes, la source, les héritages etc. Associées à des cartes compositionnelles, des datations U-Pb couplées à l’analyses éléments traces permettront de révéler les modalités de croissance des zircons et des monazites en fonction du métamorphisme et des fluides associés (partitionnement des REE). Ces analyses seront conduites au Czech Geological Survey à Prague.

Collaborations internes : Benoît Petri (MCF), Karel Schulmann (Prof.), Gianreto Manatschal (Prof.).

Collaborations externes : Abderrahman Bendaoud (Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene, Alger), Carmen Maria Aguilar Gil (Universitat de Barcelona), Pavla Štípská (Czech Geological Survey), Rémi Leprêtre (CY Cergy Paris Université), Mohamed El Houicha (Université Chouaïb Doukkali)

Candidat(e) : Diplômé(e) d’un Master de géologie avec de solides compétences en pétrologie, géochronologie, géologie structurale et SIG, prêt(e) à effectuer des missions de terrain à l’étranger.

Financement(s) : Le financement des travaux de thèse sera initié via les fonds propres de Francis Chopin (dotation recrutement université, soit 10 000 €) qui doivent être dépensés en 2023 (terrain & analyses). Une demande de financement INSU (Tellus/Syster) sera soumise en septembre 2023 à hauteur de 15 000 €. Des financements PHC Toubkal (février 2024) et Tassili (mars 2024) seront demandés afin de favoriser les échanges avec les collègues marocains et algériens. Nous répondrons aussi à des appels à projets scientifiques de l’Ambassade de France en Espagne (1 000 € par an). L’étudiant(e) aura enfin un accès facilité à la plate-forme analytique du Czech Geological Survey à Prague (Imagerie MEB, analyses WDS-EDS, U-Pb LA-ICP-MS), avec qui l’ITES collabore depuis de nombreuses années.

Contexte : Ce travail, fédérateur au sein de l’équipe GéOLS, fait suite à des travaux sur la Meseta marocaine fiancés par l’IPGS, l’INSU et le Czech Geol Survey. Il s’inscrit dans la dynamique des recherches sur les processus orogéniques en France, en particulier sur le socle varisque en raison de la réévaluation des ressources (PEPR_Sous-Sol).

Lien web école doctorale: https://ed413.unistra.fr/